Vous trouverez, dans les pages qui suivent, la localisation, une courte description, quelques images, de 95 églises fortifiées, de l'Aisne, des Ardennes, et du Nord.

Mais quelle était "la vie de tous les jours", lors de ces attaques du village ?

Le temps des colchiques arrivait...
Martin était perdu dans ses rêves et dans ses plans pour l’avenir...  C’est qu’il se faisait certainement plus de souci pour Marinette et pour le bébé, que ce qu’il s’en était jamais fait.

Jusque maintenant, les courses ennemies étaient en fait pour lui,  l’occasion de faire valoir son courage et son intrépidité.

En quelque sorte, l’inconscience de la jeunesse et du célibat ; peut-être aussi une forme de conjuration de la fatalité...


L’incendie de l’église, survenu lors de l’attaque précédente avait laissé quelques traces. Une partie du toit avait été endommagée mais bien vite réparée. La construction avait gardé une apparence robuste, identique à celle des habitants de ce pays, rugueux, solides, tenaces et pugnaces, en fait très attachés à cette terre dont ils avaient tiré les briques de l’église, celles aussi des tours et des échauguettes !
L’angélus de midi venait de retentir, mais maintenant  c’était la lourde cloche grave du tocsin qui captait toutes les attentions et créait l’apparition de réflexes quasi conditionnés. Un incendie, une attaque de pillards ? Les invasions de bandes de brigands n’étaient pas rares. Growenstein sera maudit dans la région... Les armées levées par les nobles seigneurs se payaient en fait «sur le pays», de leurs vols et de leurs pillages... Sans compter que parfois c’était presque simplement pour le plaisir !


Cette fois, c’est une bande de pillards qui etait signalée dévalant la colline.
Personne ne pose de question, ni ne s’en pose. Tout le monde se hâte vers l’église. Chacun se charge de ce qu’il peut, mais de toute façon, il n’y a pas grand chose à emporter.  Et puis les choses indispensables sont déjà dans l’église... L’eau à faire bouillir pour la jeter sur les assaillants ; les armes quand on en possède... La nourriture pour soutenir un siège est déjà stockée dans les garde-manger et autres réserves à blé des tours. De toute façon il y a un puits dans l’église, et un four à pain avec sa réserve de bois. Dans une niche de briques, un peu de farine et de levain.
C’est que tout a été prévu pour tenir un siège... On peut donc, dans l’église-refuge, se défendre, cuisiner, manger, mettre à l’abri les richesses du village. Parfois, on y trouve même un coffre fort, où le village range ses biens les plus chers... Mais la vie n’est-elle pas le seul bien qu’il faille absolument ne pas perdre ?
Le donjon est solide ; mais il fallait se méfier tout de même, depuis la prolifération des armes à feu, il avait fallu renforcer encore les défenses. Des meurtrières ont été ajoutées dans la nef, cette fois à hauteur d’homme, car il est maintenant inutile de se poster le plus haut possible pour tirer sur l’assaillant avec des armes blanches, arbalètes ou autres...
A l’intérieur, les étages composaient un système de défense à plusieurs niveaux. Si l’ennemi arrivait à entrer dans l’église, il lui faudrait alors livrer une dure bataille pour accéder du rez-de-chaussée au premier étage, puis du premier au second...
Le second étage, séparé du premier par un plancher de bois, faisait saillie et sa base en pierres blanches était soutenue par des arcatures de briques, prenant appui sur des corbeaux de pierres. L’espace laissé libre entre les deux murs extérieurs constituait des mâchicoulis permettant de surveiller le pied du donjon et de déverser sur les assaillants de l’huile bouillante ou du plomb fondu... quand on en disposait, mais faute de ces chers produits, l’eau bouillante faisait tout de même son effet.  Parfois de simples mais lourdes pierres faisaient aussi l’affaire.
Dès l’alarme donnée, la lourde porte du porche avait été ouverte. Le curé rappelait à chacun, des fois qu’il les aurait oublié, leur poste et leur fonction. Mais en fait  chacun savait parfaitement ce qu’il avait à faire.  Tous les hommes valides étaient placés aux postes stratégiques de défense ; femmes, enfants et vieillards s’occupaient des tâches moins rudes... Faire chauffer l’huile... Recharger les armes. Veiller aux munitions... Faire le guet... Bien sûr, les grand’mères prenaient en charge les tout petits en leur fredonnant doucement leur berceuse préférée...
Aujourd’hui, chacun se sentait plus fort et plus certain de sortir vivant de cette alerte. Martin avait eu l’idée, dans l’escalier de la tour qui conduisait aux salles de défense, de supprimer les dernières marches et de les remplacer par une échelle, que l’on avait construite sur place, depuis la salle de défense. Les longs montants avaient été hissés avec une corde, par l’extérieur, et entrés par la petite fenêtre qui permettait l’observation des alentours. L’escalier était de toute façon tellement étroit, qu’il permettait à peine à un homme d’y passer. Les assaillants ne pouvaient donc pas s’y présenter à deux de front. La forme hélicoïdale de l’escalier ne permettrait pas non plus d’y monter avec une échelle. Ainsi, tous étaient certains de l’inviolabilité de leur repaire. On avait aussi abattu un jeune chêne, que l’on avait équarri. Il était devenu le solide épar qui renforçait l’inviolabilité de la lourde porte d’entrée.
Au simple son du tocsin, les animaux eux-mêmes avaient pris la direction de l’église et savaient que tous, bêtes et gens, y seraient réunis, pour une heure, un jour, une semaine ? Il faudrait aussi s’occuper d’elles ; elles étaient indispensables à la survie de chacun, tout autant que de la collectivité. Tous seraient assez contents du lait frais que l’on pourrait recueillir le soir et le matin. Aussi, provision de paille avait été faite dans la nef.

 

JMG - Extrait de "Eglises fortifiées, moulins, fermes, maisons... chateaux... de Thiérache...