Des constructions en briques...

Les constructions paysannes sont toujours élévées avec un matériau facile à trouver dans le pays. Les constructions paysannes sont les constructions des paysans, lesquels sont les femmes et les hommes du pays...
Le pays de Thiérache est un pays au revenu très modeste, ne l’oublions pas. Son agriculture, à l’époque de la fortification des églises, est une agriculture vivrière ; les chemins carrossables en toute saison sont l’exception, à cause de l’argile du sol et de l’absence de pierre. Il faut donc se rabattre soit vers le torchis sur armature de bois (les colombages, appelés ici trattes), ou la brique.
La brique est facile à réaliser. On extrait la terre, au plus on la stabilise avec un peu de chaux. Placée dans des moules, afin de prendre une forme régulière, elle en est ensuite extraite, pour être séchée au soleil, quand il y en a suffisamment. Parfois cette brique d’argile est utilisée crue, mais dans ce cas, elle subit rapidement l’attaque des eaux de pluie et de ruissellement. Il faut donc la cuire, ou la réserver à un usage intérieur.
On constitue ensuite une grande meule, avec en son centre un vide, qui sera rempli au fur et à mesure de bois, et constituera le foyer du four. On ménage, pendant la montée de la pile, des couloirs entre les tas, formant ainsi des sortes des sections, qui permettront la circulation de l’air. Les rangées de briques elles mêmes sont «aérées», en intercalant entre les couches successives des briques plus fines, qui permettront la circulation de l’air chaud tout autour de chaque brique. Une fois cuites, on pourra s’en servir comme briques de sol ou comme parefeuilles.
Lorsque la meule est terminée, on la recouvre de paille, puis d’un forte couche de terre, afin de clore l’édifice. Cependant, on aura pris soin de garder au centre du cône ainsi formé, une cheminée. Vient alors le temps de l’allumage du feu.
A l’intérieur de ce four, au centre, près de la cheminée et du foyer, la température peut atteindre plus de 1200 degrés. Il faut avoir «calculé», mais tout est question d’expérience, la forme, les dimensions et les couloirs de circulation de l’air chaud, pour que toutes les briques soient cuites !

Mais en fait, la terre de Thiérache n’est que rarement de l’argile. C’est le plus souvent un limon argilo-sableux...  chargé de sables siliceux... On assiste alors, lors de l’ouverture du four après refroidissement de l’ensemble, à un étrange dégradé des couleurs... Les briques extérieures sont plutôt roses. : ceci est dû au limon, mais aussi à la plus faible température de cuisson, qui au bord de la meule, peut ne dépasser de peu les 900°, alors qu’au centre de la meule, on trouve des briques qui sont presque noires, et brillantes ! La silice du limon, a été fondue, et a constitué un revêtement de la famille du verre. Les briques ont été vitrifiées...
Le maçon disposera alors de briques de qualités et d’aspects différents, et toute sa science sera de les utiliser au mieux. Les plus cuites, qui seront plus dures et plus résistantes seront placées à l’extérieur ; les plus tendres, à l’intérieur de la construction, où elles seront à l’abri des eaux de ruissellement. Et les noires, vitrifiées ? Eh bien le maçon va s’en servir pour dessiner sur les murs des motifs décoratifs : coeurs, entrelacs, frises, ou utilitaires : dates, initiales des propriétaires...
La brique constitue donc le matériau de construction le moins onéreux disponible en Thiérache, pour ce qui est de la Thiérache de l’Aisne.
La construction des tours.
De nombreuses tours sont constituées d’une «double peau» : l’extérieur est dressé en briques, alors que l’intérieur de la tour est en pierre.
Il est beaucoup plus rapide de monter un mur de gros moellons, que le même mur de petites briques ! La pierre a toujours eu d’autre part une réputation d’être plus solide pour le soutènement des constructions...

Cependant, la brique, par ses plus petites dimensions, est plus souple d’utilisation. Les tours de fortifications sont sujettes à recevoir des coups, des projectiles, des boulets... Ces projectiles vont laisser des traces, voire des trous, et il faudra effectuer des réparations. Vous avez déjà essayé de monter sur une échelle avec une grosse pierre sur l’épaule ? Alors qu’effectuer la même opération avec quelques briques est tout à fait un travail raisonnable ! Vous avez donc compris la raison pour laquelle très souvent la façade extérieure des tours, échauguettes, et autres ajouts militaires sont en Thiérache, constitués de briques.
Parfois, on trouve dans ces constructions de briques, d’étranges signes constitués de briques vitrifiées. D’aucuns ont alors supposé quelque étrange langage, quelque étrange message laissé par les maçons... Laissons le doute, et attendons l’arrivée du Champollion des signes thiérachiens...
Simple curiosité ? Les briques (noires ou roses) de certaines maisons de la ville de Bruges comportent des similitudes avec nos briques de Thiérache : similitudes de formes et de dimensions : plus longues et plus fines que dans les régions voisines ; similitude de couleurs ; similitude des dessins constitués de briques vitrifiées... Influence réciproque ?

Dans les Flandres, les briques colorées ne sont pas noires, mais blanches. Par contre, il y a une importante similitude dans les dessins reproduits par les maçons avec ces briques différentes das roses ou rouges clasiques...

 

JMG